mercredi 15 juillet 2015

[Traduction] Est-ce que le sexe fait vendre les droits des animaux ? LA RECHERCHE DIT NON !

(Traduction de l'article Does Sex Sell Animal Rights ? RESEARCH SAYS NO !, de Corey Lee Wrenn, avec son accord, posté sur Vegan Feminist Network.)



 
Aaah, je me sens un peu comme ce jour magnifique de l’année passée lorsque j’ai appris que Mitt Romney ne dirigerait pas mon pays pour les 4 années suivantes…. excellentes nouvelles tout le monde ! Deux chercheurs en Australie ont voulu tester l’hypothèse de PETA selon laquelle le sexe fait vendre les droits des animaux :

Des images de femmes dénudées sont utilisées par les annonceurs pour rendre des produits plus attrayants chez les hommes. Cette approche du « sexe fait vendre » est de plus en plus employée pour mettre en avant des causes éthiques, surtout par l’organisation de droits des animaux PETA. Pourtant les images sexualisées peuvent déshumaniser les femmes, nous laissant avec un paradoxe en suspens : est-il efficace de promouvoir une cause éthique en utilisant des moyens contraires à l’éthique ? Dans l’étude numéro 1, un échantillon d’étudiants masculins australiens (N = 82) ont regardé des publicités de PETA contenant soit des images sexualisées de femmes, soit non-sexualisées. Les intentions de soutenir l’organisation éthique étaient réduites pour ceux exposés à la publicité sexualisée, et cela s’expliquait par leur déshumanisation des femmes sexualisées, et non pas par une augmentation de l’excitation. L’étude numéro 2 a rassemblé un échantillon communautaire mixte des Etats-Unis (N = 280), répliquant cette découverte et l’étendant en démontrant que les comportements utiles à la cause éthique diminuaient après le visionnage de publicités sexualisées, dû une nouvelle fois à la déshumanisation des femmes représentées. Les explications alternatives relatives à la crédibilité réduite des femmes sexualisées et de leur objectification n’étaient pas appuyées. Lorsqu’elles promeuvent des causes éthiques, les associations pourraient bénéficier de l’utilisation de stratégies publicitaires qui ne déshumanisent pas les femmes.

La conclusion ?

Globalement, ces constatations sont les premières à démontrer que les images sexualisées qui déshumanisent les femmes réduisent les préoccupations relatives aux comportements éthiques dans un domaine sans rapport avec les relations de genre et le sexe. 

Salon annonce que PETA, en réponse à cette recherche, campait sur ses positions, insistant sur le fait que les femmes nues attirent le plus l’attention des médias. Donc, peut-être que nous déformons l’hypothèse de PETA. Ils utilisent des femmes nues non pas pour sensibiliser et mettre fin à l’exploitation animale, mais pour récolter des fonds et sensibiliser à propos de PETA. La tactique du « sexe fait vendre », comme je l’ai soutenu, est un indicateur du complexe industriel sans but lucratif, dans lequel des messages compromis et la récolte de dons sont prioritaires par rapport au véritable changement social. PETA ignore vraiment cette étude, même s’il a été démontré que leurs tactiques n’aident pas les animaux non-humains. Ils continueront à chosifier les femmes car « cela fait les gros titres ». N’est-il pas évident que cela n’a rien à voir avec un changement social efficace?



Je me demande si James McWilliams est prêt à retirer ses commentaires odieux de cet été ? Si vous vous en rappelez, il a suggéré avec désinvolture que si nous ne sommes pas certain de savoir si le sexe fait vendre ou pas, pourquoi ne pas chosifier les femmes de toute façon ? Bien sûr, même si cette étude démontre que ce n’est pas efficace, il existe également une montagne d’études qui démontrent que l’objectification sexuelle des femmes est directement liée à la violence envers les femmes et à leur dévaluation.
 

mardi 16 juin 2015

[Traduction] Chère Nouvelle Vegane

Traduction de l'article Dear New Vegan, de Corey Lee Wrenn, avec son accord, posté sur Vegan Feminist Network. D'autres articles de Vegan Feminist Network suivront.

TRIGGER WARNING: Sexisme et violence sexuelle













Chère Nouvelle Végane,

Prépare-toi, car un parcours mouvementé t’attend. Devenir vegane est, au début, une expérience très frustrante et traumatisante. Tu devras apprendre à manger autrement, ce que tu peux acheter ou non, comment gérer tes amis et ta famille, et comment gérer les sentiments intenses de colère et de tristesse qui viennent lorsque l'on ouvre son esprit et son cœur à la souffrance des autres. Rien de tout cela ne sera facile, mais, je te prie de ne pas abandonner, car cela deviendra vraiment plus facile au fur et à mesure de ton parcours. Cela deviendra normal et habituel avant que tu ne le réalises, je le promets.

Tu te tourneras probablement vers la communauté vegane pour t’aider lors de cette transition. Tu te feras beaucoup d’amis formidables et tu apprendras beaucoup des autres. Tu ressentiras un grand sentiment de paix en sachant que tu n’es pas seule et qu’il existe d’autres personnes qui sont aussi passionnées que toi pour changer le monde.

Par la suite, cependant, tu pourrais commencer à réaliser qu’être vegane est une chose, mais qu’être vegane et s’identifier comme une femme est tout autre chose. Si tu es en couple, tu pourrais t’apercevoir que ton/ta partenaire est hostile par rapport à ton choix. Surtout si ton partenaire s’identifie comme un homme, ta présence vegane pourrait présenter une remise en question de son autorité masculine. Il pourrait insister sur le fait que tu ne pourras jamais le changer (même si tu n’as jamais mentionné quoi que ce soit à ce sujet !). Il pourrait insister à ce que tu prépares des plats non-vegans, ou que tu l’accompagnes dans des restaurants non-vegans. En tant que femme, tu pourrais ressentir une pression importante à concéder cela. On apprend très tôt aux femmes que les intérêts des hommes passent en premier. C’est nul, mais c’est comme ça. Ne te sens pas mal si c’est le cas.

Description : Description : Description : Description : Woman looking outraged as her male partner scoffs down a burger

Si tu t’identifies en tant que femme, tu pourrais réaliser que tes amis s’identifiant comme des hommes sont également rebutés par ton véganisme. Par exemple, un post Facebook bien intentionné qui rappelle à tes lecteurs que les animaux non-humains comptent aussi, pourrait ennuyer des hommes qui sont prompts à répondre par des commentaires te décrivant comme quelqu’un de a) trop sentimentale ; b) grande gueule ; ou c) « folle ». La sensiblerie, le franc-parler, et la maladie mentale sont toutes des caractéristiques hautement sexuées. Les femmes sont vite rejetées comme étant soit trop féminines, soit pas assez féminines. Pendant des siècles, nous les femmes avons été stéréotypées comme étant « hystériques » et de là institutionnalisées pour nous contrôler et nous faire taire. Tu te trouveras souvent entre le marteau et l’enclume : ne sois pas trop sentimentale, mais, en même temps, surveille ton ton et ne sois pas trop agressive. Tu réaliseras qu’il est quasiment impossible de leur faire plaisir, et je suggère que tu continues simplement à continuer ce que tu faisais.


Description : Description : Description : Description : Male-identified vegan leader gives talk with microphoneMais tes combats en tant que femme végane pourraient ne pas s’arrêter là. Si tu décides qu’être vegane n’est pas assez et que tu veux t’impliquer dans l’activisme, tu feras à nouveau face à plus de violence masculine. L’activisme vegan est dominé par les femmes en termes de nombres, donc tu pourrais t’imaginer que c’est un espace sûr pour toi. De nombreuses manières, ça l’est. Tu trouveras de la solidarité féminine. En revanche, le mouvement vegan est fortement contrôlé par les hommes. Les hommes mènent l’activisme vegan – ils créent la théorie et ils définissent les tactiques qui sont acceptables. Ils occupent majoritairement la scène et leur voix sont les plus fortes.

Ce que cela veut dire c’est que tu ressentiras beaucoup de pression pour aider les autres animaux en ayant un rôle discret en coulisses en soutien de ces hommes. Tu pourrais aussi être encouragée à enlever tes vêtements pour certaines campagnes. Ce ne seront peut-être pas directement les hommes qui te diront de les enlever (les femmes t’encourageront aussi), mais les normes patriarcales du mouvement ont créé un environnement dans lequel on attend tout simplement des femmes qu’elles deviennent des objets sexuels « pour les animaux ». Tu pourrais commencer à penser que se déshabiller pour la cause est « libérateur ». Si tu commences à penser cela, wow, stop. Détrompe-toi. Songe également au fait que seules les femmes minces, blanches, cis sont autorisées à « s’émanciper » pour les autres animaux, et que réveiller les hommes sexuellement n’est pas réveiller les hommes sur le véganisme. Les recherches empiriques indiquent que faciliter l’oppression des femmes ne remet pas en cause l’oppression d’autres animaux.

Tu trouveras également beaucoup d'harcèlement et de violence sexuelle envers les femmes dans le mouvement vegan. Je ne veux pas te faire peur, mais c'est la vérité, et tu devrais être prévenue. C'est quelque chose dont on parle peu, mais c'est plutôt monnaie courante. Si tu es une femme, ne laisse pas cela te dissuader : rappelle-toi simplement que l'engagement pour la justice sociale pour les animaux non-humains ne se traduit pas nécessairement en un engagement pour la justice sociale pour tous. Vraiment, ces hommes qui insistent sur le fait qu'ils se soucient des droits et du bien-être des femmes, des personnes de couleur, et autres groupes humains désavantagés tendent à être tout aussi dangereux que ceux qui ne prennent pas la peine de s'en soucier. Si tu t'identifies comme un homme, je t'implore de travailler pour rendre les espaces militants plus sûrs.

Malheureusement, le travail du changement du monde est le travail des hommes. Si tu t'identifies comme femme, il est probable que tu rencontres de la résistance si tu souhaites participer à la sensibilisation au véganisme de façon plus significative qu'en faisant le café ou en te déshabillant. Cela ne doit pas se passer comme ça. Essaye de ne pas te perdre. Reste forte, prend la parole, et demande à être respectée. Insiste pour que le véganisme soit une expérience positive et ferme. Ne laisse pas les mentalités oppressives de certains t'empêcher de faire le travail important que tu avais prévu. Et messieurs, soyez s'il-vous-plaît solidaires des femmes. Un peu d'aide ne ferait pas de mal.

P.S. Si tu es une femme de couleur, c'est un ensemble supplémentaire de défis. En tant que femme blanche, je ne peux pas parler en profondeur de ces défis, mais je peux te dire que le mouvement vegan peut être un endroit vraiment désagréable par moments. Jette absolument un oeil au Projet Sistah Vegan !


– Corey Lee Wrenn, M.S., A.B.D. Ph.D.

Notes:

1. Cet article parle de l'expérience féminine, qui peut inclure celle des femmes trans, femmes intersexuées, et femmes gender-queers. Il faut prendre en compte le fait que les veganes trans, intersexuées, et gender-queers font face à un nombre supplémentaire de défis dans le mouvement.

lundi 8 juin 2015

[Traduction] Poules de jardin : étendre notre compréhension du préjudice

 photo: Andrea White

Cet article contient quelques approximations, notamment sur le sujet du rythme de ponte effréné des poules qui serait, selon l'auteure, dû uniquement aux croisements et manipulations génétiques par l'homme. Ce rythme de ponte serait en réalité dû également au fait qu'on leur retire leurs œufs en permanence, ce qui les amèneraient à pondre encore et encore jusqu'à épuisement. Le message final reste malgré tout le même : arrêtons de voir des êtres sentients comme des distributeurs d’œufs.)

Notre préjudice non-examiné envers les poules de jardin
La première question que les gens qui rencontrent nos poules sauvées nous posent est “est-ce qu’elles pondent des oeufs ?”  Pondre des œufs est clairement ce qui définit une poule pour la plupart des gens. Même les personnes pourtant mieux informées sont sous le charme des artifices de l’« industrie des œufs ».

On nous demande souvent, « où est le mal à manger les œufs de poules de jardin qui vont de toute façon les laisser là ? ». En réalité, beaucoup de personnes possédant des poules déclarent qu’elles ont une relation « symbiotique » avec elles. En échange d’un bon traitement, elles perçoivent leur « récompense » sous forme d’œufs que pondent leurs poules. Ça semble être une situation « gagnant-gagnant », mais nous verrons plus tard en détail en quoi cette logique ne tient pas la route. Afin de pleinement comprendre notre impact sur ces oiseaux, nous devons regarder bien au-delà du traitement.

Les couvoirs
Commençons là où presque tous les poussins naissent : dans les couvoirs. Lorsque nous achetons des poussins, nous soutenons directement et financièrement des couvoirs qui sont responsables de toute une série de pratiques incroyablement cruelles. Leur pratique la plus horrible est la macération (broyage à vif) et la suffocation de milliards de poussins mâles – 6 milliards à l’échelle mondiale chaque année. Ceux qui adoptent ou sauvent des poules de jardin, au lieu d’en acheter dans les couveuses, leur retirent leur soutien mais font malgré tout face à d’importantes considérations éthiques quand se pose la question, « quel est le mal à ramasser et manger les œufs que notre poule adoptée pond ? »

Les dégâts de l’élevage
Les poules élevées pour la ponte sont irréparablement touchées par les méthodes de sélection qui les ont amenées à pondre un nombre anormal et malsain d’œufs, entre 250 à 300 chaque année, ce qui se traduit par une variété de maladies douloureuses et potentiellement mortelles liées à leur système de reproduction ainsi que par une mort prématurée. Considérez le fait que la plupart des poules pondeuses, même les soi-disant races « patrimoniales », vivront seulement en moyenne jusqu’à l’âge de 4 à 6 ans (en assumant qu’on leur permette de vivre au-delà d’un ou deux ans, fleur de l’âge pour la ponte) et mourront probablement de complications liées à la ponte. Par contraste, les poules non-domestiquées vivant dans leur habitat naturel peuvent vivre jusqu’à 30 ans ou plus. Elles pondent des œufs comme les autres oiseaux sauvages, pour se reproduire, et seulement quelques couvées par an ; environ 10 à 15 œufs en moyenne.

Profiter du mal
Il existe un concept juridique bien connu appelé « le Fruit de l’Arbre Empoisonné » qui s’applique à la consommation des œufs de poule ainsi que de secrétions et de la chair d’autres animaux. Comme l’explique le professeur de droit Sherry Colb, « Si quelqu’un a commis un délit en acquérant un certain produit, …. il est injustifié d’utiliser et de profiter des « bénéfices » de ce produit tout comme il était injustifié de commettre le préjudice qui a permis l’acquisition du produit en premier lieu. En d’autres mots, on devient complice du méfait initial en profitant de ses fruits et en les utilisant comme source de plaisir, d’information, etc.. »

En réalité, notre système judiciaire reconnaît qu’il est immoral de retirer du plaisir ou du bénéfice au dépend de la souffrance de quelqu’un autre. Nous considérerions comme répréhensible, par exemple, de secourir un chien utilisé dans les combats de chiens et de faire valoir que, puisqu’il est déjà entrainé au combat, et en échange de l’avoir adopté et de lui procurer un toit, il est justifié de le faire se battre contre d’autres chiens et de faire des paris sur lui. Ou alors de le laisser être un chien de garde dans un endroit où il pourrait éventuellement être attaqué. Il pourrait après tout « faire sa part » puisqu’il est de toute façon un combattant. Mais il est évident que nous n’utiliserions jamais cette logique avec un chien secouru. Même si nous ne sommes pas directement responsables de la souffrance des poules, en mangeant leurs œufs nous bénéficions du mal qui leur a été fait, nous profitons de leur système de reproduction « endommagé », qui ne devrait même pas exister sans le fait des manipulations génétiques industrielles et des pratiques d’élevage contre lesquelles nous prétendons déjà nous opposer, puisqu’elles sont horriblement cruelles.

Logique de “Plantation” appliquée aux poules de jardin
Comme mentionné ci-dessus, les détenteurs de poules de jardin dépeignent souvent leur relation avec leurs poules comme étant une relation “gagnant-gagnant”. Elles procurent une vie magnifique à leurs poules et, en échange, leurs poules leur fournissent des œufs. Il y a au moins deux problèmes avec ce point de vue. Premièrement, il ignore le fait que ces œufs [ndt : tout du moins le rythme de ponte] existent seulement à cause des manipulations systématiques des systèmes de reproduction des poules qui les forcent à produire une quantité anormale et malsaine d’œufs. Deuxièmement, il est impossible pour les poules de donner leur accord dans ce genre d’arrangement. On assume qu’elles désirent faire ce sacrifice pour nous mais, en réalité, leur ponte intense, et les conséquences négatives qui en découlent,  leur ont été imposés, sans aucun choix de leur part. Oui mais, et si on adopte ou secourt des poules de jardin ? Et bien, comme le souligne l’auteur Charles Horn, « si le désir est de manger les œufs, est-ce que cela a influencé la décision d’adopter de manière consciente ou inconsciente ? Si c’est le cas, l’intention n’était pas juste de fournir un refuge, c’était aussi celle d’exploiter. »

Une exception qui invite plus d’exceptions
En créant une exception pour la consommation d’œufs de poules adoptées, nous ouvrons alors la porte à d’autres exceptions. Comme le souligne Horn, « S’il est justifié d’en manger, est-il justifié de les vendre ? Est-il justifié d’adopter beaucoup de poules et d’en tirer profit ? A nouveau, nous pouvons nous apercevoir que nous raisonnons ici en terme d’exploitation et à quel point il est aisé pour les gens de glisser vers des pratiques d’élevage. S’ils ne le font pas, d’autres le feront certainement, car l’état d’esprit de l’exploitation est toujours présent. »

S’identifier comme “Mangeur d’œufs”
En faisant une exception pour la consommation d’œufs de certaines poules, nous nous identifions comme « mangeurs d’œufs » de manière générale. Cela crée souvent un « effet domino » qui est alimenté par au moins 4 réalités qui fonctionnent côte à côte pour créer cet effet : 1. Nous envoyons un message fort aux autres simplement en mangeant des œufs, peu importe leur origine, même ceux pondus par les poules de notre jardin. 2. L’industrie des œufs a testé des méthodes visant à séduire les consommateurs bien intentionnés et soucieux et a fabriqué des marques et récits de bien être qui suggéreront à tort que leurs œufs proviennent d’endroits tels que nos jardins. 3. La plupart des consommateurs sont toujours manifestement désinformés par rapport à la production d’œufs et à la cruauté associée, et les producteurs d’œufs utilisent bien entendu cela à leur avantage. Et finalement, 4, les consommateurs sont fortement incités à croire au mythe humain avec lequel ces producteurs nous manipulent, à l’aide d’emballages, logos et publicités rassurants faisant miroiter le genre de conditions que nous associons aux jardins.

La triste réalité est que la plupart des consommateurs visés par ce type de marketing adhèrent au mythe, au sens propre comme figuré. Ou ils commandent des œufs dans un petit restaurant où les murs arborent des poules heureuses, et ils associent faussement cette expérience avec l’image de poules de jardin, alors qu’en réalité même les restaurants les plus hauts de gamme se fournissent en œufs de poules élevées dans des conditions déplorables.

Comme le souligne l’auteure Hope Bohanec, « lorsque quelqu’un mange les œufs de ses propres poules, il s’identifie alors comme un mangeur d’œufs et ne limite pas sa consommation d’œufs juste à ceux soi-disant « éthiques » provenant de ses poules. Il mangera également d’autres œufs au restaurant, chez un ami, etc.. donc il soutient encore l’industrie des œufs, même s’il pourrait s’identifier comme consommateur « éthique » d’œufs, il est peu probable que ce soit les seuls œufs qu’il consomme. » [ndt : cet argument est discutable. Certaines personnes se limitent à consommer uniquement les œufs de poule de leur jardin]

Renforcer le faux stéréotype de l’”industrie des œufs”

 photo: Pete Crosbie/Willowite Sanctuary

Consommer les œufs de poules de jardin renforce également leur image industrielle de « pondeuses » ou de machines à pondre, supposant que c’est leur but premier dans la vie, ce qui est incorrect. Le fait est que la ponte naturelle des poules n’est pas différente de celle de beaucoup d’autres oiseaux. Ce qui a changé est que l’élevage moderne a forcé les poules à produire une quantité obscène d’œufs non-fécondés. Au-delà de la ponte, les poules ont des comportements sociaux riches et complexes, ont beaucoup de centres d’intérêt et sont fortement conscientes d’elles-mêmes. Elles possèdent une mémoire à long-terme et démontrent clairement qu’elles anticipent des évènements futurs. Elles créent de profonds liens avec d’autres compagnes et d’autres espèces, comme les chiens et les humains. Et quand bien-même elles ne possédaient pas toutes ces capacités cognitives avancées, elles sont des êtres sentients qui ressentent la douleur et le plaisir tout comme nous. Et la sentience, et non l’intelligence, est la base en fonction de laquelle nous devrions traiter les autres.

En mangeant leurs œufs, nous impliquons que la valeur des poules réside dans leur capacité à produire pour nous en tant que source de nourriture, plutôt que de concentrer notre attention là où elle devrait être : sur la valeur intrinsèque des poules en tant qu’individus. « Tout comme nous ne voyons pas les êtres humains ou leurs secrétions comme source de nourriture, nous ne devrions également voir aucun être sentient ou ses secrétions de cette manière. », écrit Horn.

La logique de ne pas gaspiller les œufs
La notion populaire qu’il est dommage de gaspiller les œufs de poules en ne les mangeant pas se base sur la supposition que leurs œufs nous sont destinés, renforçant dès lors la notion anthropocentrique que les œufs nous appartiennent, et ne sont pas les leurs. Donc, en suivant cette logique, si nous découvrons des œufs abandonnés et non-fécondés de tortue ou de canard ou de rouge-gorge, nous sommes également obligés de les voler et d’en faire un repas pour ne pas les « gaspiller ». Si on se penche plus en avant sur cette logique, on s’aperçoit que le problème n’est pas le gaspillage, mais le conditionnement culturel. La raison pour laquelle nous percevons seulement les œufs de poules comme mangeables, et ne nous embêtons pas à recueillir ceux d’autres espèces, est juste un conditionnement culturel. Elever des poules dans le but de contrôler leurs corps et prendre leurs œufs est devenu une pratique socialement acceptable.

Que faire des œufs si on ne les mange pas ?
Lorsqu’on se débarrasse du concept anthropocentrique que les œufs de poules nous appartiennent, alors que pouvons-nous faire des œufs, si l’on souhaite à la place faire quelque chose pour aider ces oiseaux exploités ? Et bien, nous pouvons bouillir les œufs et écraser les coquilles. Nous pouvons ajouter les coquilles aux grains que nous leur donnons pour leur rendre les grandes quantités de calcium qui sont extraits de leurs os pour produire toutes ces coquilles. Nous pouvons également les nourrir avec leurs œufs pour leur rendre certaines des protéines et autres nutriments qu’elles perdent dans le processus de ponte de bien plus d’œufs qu’elles n’étaient censées produire à l’origine.

Si on laisse de côté le préjudice, nous pourrions prendre un moment pour réfléchir un peu plus au genre de relations que nous entretenons avec nos poules de jardin ainsi qu’au message que nous envoyons aux autres. Est-ce que toutes les relations que nous entretenons nécessitent quelque chose en retour ? Parfois, nous pouvons simplement montrer de la bonté et de la compassion. Parfois, nous pouvons simplement apprécier les autres pour leur valeur intrinsèque et ne pas baser leur valeur sur ce que nous pouvons tirer d’eux.elles. Et dans le cas des poules, ça n’aura jamais été aussi nécessaire, considérant toutes les souffrances que nous infligeons à 40 milliards d’entre elles dans le monde entier chaque année pour nos papilles gustatives.


(Illustration de Florence Dellerie)

mardi 5 mai 2015

[Traduction] Végétarisme : un pas dans la mauvaise direction pour moi




Sur Facebook, je suis toujours surprise d’assister à l’intensité des débats entre les végétariens de longue durée et ceux qui plaident en faveur du véganisme. Le végétarisme est souvent dépeint comme « étant un pas dans la bonne direction » et farouchement défendu par de nombreuses personnes qui sont de toute évidence sincères dans leur croyance que c’est éthique, et leur affirmation selon laquelle cela protège les animaux. Au final, chacun.e d’entre nous doit faire face à sa propre conscience et dans ce texte j’essayerai de clarifier ma propre expérience.

Transition

J’insiste sur le fait que ce billet exclut spécifiquement tous les changements temporaires que nous faisons dans nos vies pendant la période après laquelle nous avons décidé de devenir vegan.e et pendant laquelle nous sommes en phase de transition. Pendant cette période, chacun.e trouve son propre chemin pour incorporer les aspects pratiques du véganisme dans sa vie, un procédé qui dépend de circonstances individuelles mais qui est généralement de courte durée.

Le pas

Pour ma part, le végétarisme était certainement un « pas », mais était-ce dans la bonne direction ? C’était un pas d’hésitation, sans conviction, d’environ quatre décennies, décennies que je considère maintenant comme étant des années gâchées. C’était un pas pris sans avoir compris ou sans avoir remis en question soit mon propre spécisme, l’échelle et l’étendue des atrocités de notre espèce, soit l’impératif moral d’arrêter de voir des individus sentients comme des ressources et des marchandises.
C’était un pas qui ne m’a pas menée au véganisme, seule l’éducation végane sans équivoque m’y a menée. Au contraire, c’était un pas qui m’a menée à la confusion, à la frustration et à l’incompréhension. A partir du moment où j’ai pris conscience des vérités concernant mon végétarisme et mes nombreux choix non vegans sans aucun lien avec mon régime alimentaire, je n’aurais pas pu arrêter ce que je faisais plus rapidement. En résumé, c’était un pas que je souhaiterais pouvoir reprendre si on m’en donnait la chance.

Définition

Si on en revient aux bases, un “végétarien” est défini par la Société Végétarienne comme suit :

Personne suivant un régime alimentaire à base de céréales, légumineuses, noix, graines, légumes et fruits avec, ou sans, l’utilisation de produits laitiers et d’œufs. Un végétarien ne mange pas de viande, de poulet, de gibier, de poisson, de crustacés ou sous-produits de l’abattage.

J’ai de nombreux problèmes avec cette définition cependant ceux-ci sont sans importance au regard du facteur criant qui échoue totalement à fournir une protection aux proches non-humains. C’est un régime alimentaire qui définit ce que l’on mange. Ce n’est pas une position éthique, ce n’est pas une base morale. C’est une liste de substances permises que l’on peut manger, et ce faisant, nous permet de nous déclarer « végétarien.ne » selon la définition de cette organisation particulière.

Végétarisme, véganisme et “sans cruauté”

La confusion potentielle est maintenue lorsque de nombreux groupes et organisations mélangent les mots « végétarien.ne » et « vegan.e », impliquant qu’ils sont similaires. La définition type est devenue tellement courante ici au Royaume-Uni que les grandes surfaces entreposent d’immenses gammes de produits catalogués comme « végétariens », tous appuyés par d’habiles campagnes de marketing les promouvant comme étant « sains » ou « humains ».

Beaucoup d’entre nous, et j’en fis partie, assument à tort que « végétarien » est dès lors synonyme de « sans cruauté » alors que rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Oui, j’avais arrêté de manger les tranches manifestes de chair ensanglantée. Mais ce que je n’avais pas réalisé c’est que ma consommation alimentaire continuait d’alimenter le marché de la chair morte, même si je ne la consommais pas directement. Et pour ce qui en était de mes choix non-alimentaires….

Qui n’est pas protégé par le végétarisme

Ce qui suit n’est pas une liste exhaustive. Même en assumant que tous les « sous-produits de l’abattage » tel que la gélatine et l’ichtyocolle sont évités, le végétarisme, par définition, ne protège : 
  • Aucun des  mammifères mis au monde et réduits en esclavage pour la production de lait/fromage/yaourt/crème glacée/beurre, leurs bébés qui leur sont pris pour être tués comme « déchets », comme veaux, ou, si ce sont des femelles, élevées séparément comme remplaçantes de leurs mères abattues pour de la « viande » bon marché lorsque leur production de lait baisse et qu’elles cessent d’être commercialement rentable. Les mammifères utilités de la sorte incluent les vaches, les chèvres et les moutons.
  • Aucun des oiseaux élevés pour leur production d’œufs, les poules étant les plus communs, leurs parents enfermés dans des installations d’élevage, produisant de vastes quantités d’œufs fertilisés stockés et incubés dans des tiroirs dans des couvoirs ; les poussins mâles, une variété différente des poussins élevés pour leur chair, qui sont détruits à l’éclosion par suffocation ou macération, des machines transformant des poussins vivants en une boue sanglante ; les poussins femelles qui sont débecquées et enfermées, leurs systèmes de reproduction manipulés et transformés en bombe à retardement biologique pour produire environ 10 fois plus d’œufs que leurs corps fragiles ne peuvent supporter, jusqu’à ce que leur production décline et qu’elles cessent d’être commercialement viables, moment où elles seront abattues dans des « usines de transformation » pour de la « viande » bon marché ; tout autre oiseau utilisé pour la production d’œufs dont les canards, les cailles et les oies. 
  •  Aucun des individus utilisés pour leurs peaux et leurs revêtements corporels que ça soit sur les marchés intérieurs ou au niveau importation. Cette catégorie inclut le cuir, la peau, la toison et la fourrure, pour lesquelles nous utilisons des vaches, cochons, veaux, moutons, chiens, chats, chèvres, crocodiles, autruches, kangourous, chevaux, ratons laveurs, loups, renards, visons, lapins, requins et autres ; cela inclut les oiseaux utilisés pour leurs plumes, souvent arrachées des corps vivants de nos victimes ; cela inclut les vers à soie ébouillantés vivants pour leurs cocons ; cela inclut la laine des moutons qui ont été sélectionnés pour surproduire et qui sont exploités dans tous les cas, l’abattoir étant leur seule issue ; cela inclut l’angora de lapin, retirée des corps hurlants de lapins vivants ; cela inclut le cachemire et l’angora de chèvre, retiré des chèvres gardées en captivité jusqu’à ce que l’abattage devienne l’option économiquement viable ; cela inclut les poils de pinceaux, provenant souvent de cochons, blaireaux, chevaux ou même d’écureuils ; cela inclut les peaux souples d’enfants qu’on a retiré du ventre de leur mère pendant l’abattage. 
  •  Aucune des créatures utilisées pour les tests et la vivisection par les industries chimiques, pharmaceutiques et de recherche. Le nombre d’animaux tués par ces pratiques continue d’augmenter chaque année et inclut les chiens, les chats, les primates, les lapins, les chevaux, les poissons, les oiseaux et les rongeurs. 
  • Aucune des créatures dont les morceaux ou sécrétions sont utilisés comme ingrédients dans les médicaments, produits chimiques, produits d’entretien, produits cosmétiques ou autres « produits » non liés à l’alimentation. Ces substances incluent la lanoline, la chitine, le collagène, la kératine, le musc, la cochenille, la gelée royale, l’urine de cheval… à nouveau, la liste s’agrandit ainsi que celle des espèces exploitées en conséquence. 
  • Aucune des créatures enfermées dans des établissements ou utilisés pour le « divertissement » humain. Cela inclut les zoos, les cirques, les safaris et les parcs aquatiques ainsi que les animaux utilisés dans les courses, les combats et la traque.


Comme je l’ai mentionné ci-dessus, cette liste est loin d’être exhaustive et malgré mes 3 années de véganisme, je suis parfois encore choquée de découvrir de nouvelles horreurs inventées par notre espèce.

Alors quoi ?

De par la demande que j’ai créée en tant que consommatrice, savoir que j’ai participé à tellement de pratiques détaillées ci-dessus est une chose à laquelle je ne pourrai jamais échapper, et que je peux seulement essayer de réparer.

Chacun.e d’entre nous sait ce qui se trouve dans son cœur, mais pour ma part, être végétarienne n’était absolument pas en accord avec mon rejet de la violence et de la cruauté. C’était en conflit direct avec ma perception de moi-même en tant que personne, en tant que mère et en tant qu’habitante sentiente de cette planète.

A l’inverse, le véganisme rejette complètement toute utilisation de non-humains, et reconnaît que nous n’avons aucun besoin nutritionnel ou autre d’agir de cette façon. En étant vegan.e, nous essayons, dans la mesure du possible, de nous assurer qu’aucun autre individu ne souffre pour notre complaisance. Enfin, par le véganisme, mes actions s’alignent avec la personne que je suis, et je peux vivre avec cela.